Dans cet extrait de séance ci-dessous, je voudrais vous donner un exemple de comment s’expérimente le mouvement global du corps, c’est-à-dire qui englobe à la fois, les émotions, les efforts musculaires et les pensés ainsi que le blocage de ces différents aspects. Le ressassement est une façon dans laquelle notre attention peut être piégée dans le passé sans toujours savoir comment en sortir et revenir « dans la ronde des jours». C’est une des réactions à la douleur que l’on rencontre dans sa vie fréquemment.

Séparée depuis un an, elle ressasse les situations où elle s’est senti incomprise et ressens cette injustice régulièrement dans la journée, dans les moments de latence. Elle est allongée sur ma table mais elle pourrait aussi bien être au volant de sa voiture, sur son sofa, ou épluchant des légumes. Je pose mes mains sur ses épaules resserrées et sa nuque raidie. J’invite son attention sur la pression dans le crâne et les efforts qu’elle exerce dans sa mâchoire. Elle se sent agir maintenant dans cette pression, ressassant les phrases qu’elle aurait voulu dire. Ces mots trempés dans une mare d’injustice et contenus dans sa tête par cette pression qu’elle exerce maintenant consciemment. Elle réalise qu’elle est à l’étroit dans son corps, à ce moment, de cette façon. La conscience de celui-ci s’efface progressivement jusqu’à perdre le contact de ses extrémités. Puis au signal elle relâche les efforts, les muscles se dilatent et se ré-oxygènent plus largement. Le corps crépite de tremblements, de flux qui se ruent dans les tranchées enfin ouvertes que forment ses artères. L’oxygène gonfle son sang et les muscles du crâne se relâchent et font disparaître l’étau. Il y a un silence curieux. Une vague emplie ses poumons d’un mélange de peine et de joie, réveille sa poitrine à des sensations nouvelles, ouvre un espace plus grand qui se mélange de peur, d’excitation, d’étonnement et de larmes. Un espace vivant et vivable. Puis à nouveau le silence profond. Son attention est attirée par les sensations qui descendent dans son ventre et réveillent ses organes. Elle sent leur poids, leur matière. Leur présence est rassurante et étrangement inhabituelle. Les extrémités de son corps picotent de sang nouveau. Elle est entière.